>> Knokke-le-Zoute, fragments du brouillard

           Objet installation

Seize cubes dans leur boîte - 2023.

 

Matériaux : Pastel à l'huile, talc, poussière, cire micro-cristalline, ruban de satin, papier, sur ancien puzzle en bois.

 

Il y des années, je me suis trouvée à Knokke-le-Zoute pour quelques jours. Nous étions trois amies. Le dernier soir, après le travail, nous sommes allées voir la mer du Nord. Quelques minutes après notre arrivée au bord de l'eau, un extraordinaire brouillard nous a englouties, un brouillard à couper au couteau. On ne voyait pas le bout de notre main en étendant le bras, nous n'étions plus que des silhouettes gris pâle. Nos rires et le bruit du ressac étaient assourdis dans la ouate... Je n'ai jamais plus vécu semblable expérience. Des années plus tard, l'une des trois protagonistes disparaissait tragiquement, lors d'un tremblement de terre. Nous nous étions parlé, mais je ne l'avais pas revue depuis Knokke-le-Zoute. Ce brouillard si particulier était-il déjà le signe de quelque chose ?

 

En regardant le puzzle aux images pâlies mais encore vives, tranchées en petits cubes comme des corps en morceaux, j'ai repensé à cette expérience étrange de dilution et a mon amie irrémédiablement absente. J'ai eu envie de recouvrir toutes ces comptines a la gaieté naïve avec une matière qui recréerait les nuances d'un brouillard épais. Pour donner la sensation d'opacité molle du brouillard, ce qu'aucun matériau ne me semblait à même de faire, j'ai mis au point une matière nouvelle déposée couche par couche comme un onguent. Une sur-épaisseur qui voile les arrêtes des cubes et la sécheresse des surfaces. Au contact des images qu'elle recouvre jusqu'à les faire disparaître, la blancheur crayeuse se teinte d'une infime nuance colorée. Manipulés du bout des doigts comme des chocolats consolateurs sortis de leur boîte, les cubes se réchauffent, semblent devenir plus souples et vivants pour redonner une présence tangible au souvenir.