>> Herbiers

A propos de Herbiers, par Camille Viéville, historienne d'art.

 

En 1906, Ernest Jentsch, dans un essai demeuré célèbre pour l’histoire de la psychanalyse, s’interrogeait sur cet obscur instant d’incertitude « où l’on doute qu’un être en apparence animé soit bel et bien vivant, et, réciproquement, qu’un objet sans vie ne soit pas en réalité animé1 ». Plaçant l’inquiétante étrangeté au cœur de son travail, Inès Kubler crée un univers où les objets semblent à la fois dotés d’une vitalité propre et figés pour l’éternité. Plus encore, sa prédilection pour les matériaux de récupération (papier journal, corde, boîtes diverses, clous, etc.), les matières naturelles (bois, feuilles séchées) et leur assemblage témoigne de sa volonté d’échapper à un monde toujours plus standardisé. Depuis quelques années, elle recourt aussi systématiquement à la cire, substance d’une remarquable plasticité et pourtant très stable, tantôt liquide - bien qu’hydrophobe - tantôt solide, souvent utilisée pour donner l’illusion de la vie, en sculpture, bien sûr, mais aussi dans certains procédés de momification.

 

Ainsi, par ses assemblages, Inès Kubler reconstruit le quotidien qui, sans différer profondément du réel, subit de sensibles métamorphoses : s’opère, selon les mots de l’artiste, un « glissement du familier vers l’étrange, faisant de ces objets un viatique vers les fantaisies du spectateur2 ». Ces installations – dont le principal point commun est la cire – s’inscrivent également dans un temps suspendu : une chemise encore pliée dans sa boîte (Pliage, 2007), les restes d’une architecture ruinée, des piles de vaisselle oubliées dans une petite malle (Sans titre, 2014).

 

La découverte d’un herbier ancien – dont les feuillets et la couverture avaient, au fil des décennies, gonflé jusqu’à fusionner – a inspiré à Inès Kubler la série Herbiers, commencée en 2013. La cire va y jouer un rôle nouveau. Dans ces œuvres, elle n’est plus un élément parmi d’autres, non, elle se trouve désormais au cœur même du processus créatif. Coulée, elle fait office de liant et permet aux matériaux de se maintenir ensemble, tout en assurant leur bonne conservation. Les fragments végétaux surgissent de leur contenant devenu trop étroit pour eux : feuillets de papier ou de carton, boîte en bois, boîte d’allumettes et autres boîtes de Pétri (empruntées aux microbiologistes). La réflexion sur le débordement de la nature, entamée par Kubler avec Nidification (2009), et sur son insoumission fondamentale à la culture des hommes, prend alors un tour plus ombreux. L’espoir d’un renouveau est lui aussi marqué de cette inquiétude initiale, représentée par les crevasses, les béances, les aspérités des assemblages. Ces herbiers sont des objets atrabilaires, la mise en scène du temps suspendu nous rappelant à notre propre finitude.

Camille Viéville

Catalogue du 59ème Salon de Montrouge

                                                                       

        1 Ernest Jentsch Zur Psychologie des Unheimlichen (1906) - ma traduction

        2 Inès Kubler "Sculptures/Installations", texte en ligne sur son site

 


Dix-neuf pièces - 2013 / 2014

                                                                                        2

 

1

 

 

 

1 - Planche botanique : graines de théier, boutons floraux et

      types de feuilles de thé vert.

      Photographie sur plaque de verre, Emile Prudhomme

      vers 1900.

      Source : gallica.bnf.fr / BnF -  Document original : CIRAD

 

 

2 - Herbier Guilbaud

      Réalisé à La Roche-sur-Yon, vers 1800

      Don à l'Herbier de Strasbourg de M. Etienne Challet. 

      © Université de Strasbourg

 

 

 





Herbier bûche - 2013

Bûche, cire, papier, végétaux séchés

H 36 x L 50 x P 34 cm

© Mario Fourmy

Collection particulière


Herbier fleur - 2013

Cire, boite en bois, éléments végétaux séchés

H 10,5 x L 17 x P 12 cm

© Illés Sarkantyu




Herbier araignée - 2014

Carton, cire, papier, restes d'orchidée séchés

H 12 x L 20 x P 16 cm


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Herbier déplié - 2013

Carton, cire, papier, restes de myrthes séchés

H 11 x L 33  x P 36 cm



Herbier aux lys - 2014

Carton, cire, papier, éléments végétaux séchés

H 47 x L 40 x P 43 cm

© Mario Fourmy




 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Herbier jaune - 2013

Carton, cire, éléments végétaux séchés, papier

H 31 x L 45 x P 30 cm

© Illés Sarkantyu



Herbier allumettes -2013

Boite d'allumettes, cire, éléments végétaux séchés

H 11 x L 5 x P 16 cm

© Illés Sarkantyu

Herbier racine - 2014

Boite d'allumettes, bois, cire, racines séchées

H 6 x L 23 x P 10 cm

© Violaine Chaussonnet

Collection particulière




 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Herbier coffre -2014

Carton, cire, papier, éléments végétaux séchés

H 15 x L 31 x P 21 cm

© Mario Fourmy

 

Acquisition en Octobre 2021 par l'Université de Strasbourg -

Bibliothèque des arts




Herbier aux radicelles - 2014

Cire, carton, encre, papier, racines séchées

H 31 x L 23 x P 27 cm



 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Herbier aux pétales - 2014

Cahier, cire, écorces, encre, pétales séchées, racines, restes d'allumettes consumées

H 6 x L 30 x P 35 cm



Herbier aux langues - 2014

Carton, cire, papier, végétaux et racines séchés

H 8 x L 27 x P 19 cm

© Mario Fourmy

Herbier feuille -2013

Carton, cire, éléments végétaux séchés

H 8 x L 18 x P 15 cm

© Illés Sarkantyu




 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Herbier aux graines - 2014

Cahier, cire, graines, fleurs et autres végétaux séchés

H 5 x L 31 x P 40 cm



Herbier cœur - 2013

Cire, carton, papier, nœud de bois, éléments végétaux séchés

H 32 x L 37 x P 30 cm

© Illés Sarkantyu





Herbier blanc - 2013

Carton, cire, papier, végétaux séchés

H 45 x L 52 x P 55 cm